Il y a des gens qui ont besoin de lire de la poésie pour voir. Pour sentir plus clairement, comme si, exactement comme la langue a besoin de cet état, la poésie, pour se sentir bien. Les œuvres y ont droit, mais on ne peut laisser la poésie, par poigne de fer et de mainmise, à un seul ou quelques-uns, dans les livres. Toutes ces élucubrations au sujet de la poésie dans la vie sont des dérives et des détours pour ne pas assumer ou pour tenir les choses en l’état de la fiction, comme ces racontars, à la foire de la saucisse de Francfort, qui masquent que la traduction est un fait mineur de culture, du moins dans certaines zones linguistiques, dont la francophonie, car les écrivains et le potentiel, en langue française, sont assez nombreux pour que l’on prenne soin de nous, au lieu d’inventer le monde entier à être traduit dans une langue qui devient négligée, sous prétexte de sa gloire qui n’a du présent accessible que la réputation falsifiée. Il s’agit de raison et de mesure, pas de priver le lectorat français de traductions. Ces professionnels de la saucisse ne soutiennent jamais le bon sens, qui dirait par exemple, de temps en temps, que c’est plus important de traduire plus de philosophie étrangère que de poésie écrite en d’autres langues. La poésie est proche de son cœur, pas cantonnée au village, mais au pays et n’importe où on le lit. Dans le sang d’une langue, la poésie en est les globules rouges. C’est aussi le cas d’une bonne littérature romanesque. Les globules blancs défendent l’organisme, tandis que la poésie l’oxygène. Ces secours et défenses sont formés par la philosophie et des œuvres de savoir en -logie, quelques œuvres critiques, des poèmes de circonstances peut-être. Bref, c’est aisé de trouver de multiples catégorisations et images parlantes avec l’organisme, l’organisation, sans verser dans la psychosociobiologie qui apparentait le corps de la société à un corps vivant, donc parfois malade à nettoyer pour le garder sain. Il est question entre nous de langage, de pensée, de sentir chacun de son point de vue, de son côté, par les livres. Pour vivre, il faut plus, chacun s’en charge en étant conscient de la vocation établie de notre État social, à confirmer et assumer. De même avec le modèle culturel : ce dont on a normalement besoin, autour de soi, dans la vie, c’est de calme, de respect, de paix, de beauté, d’harmonie, de temps, d’espace, de compréhension, de règles de vie, de santé, d’objectif, de tout cela qui ne se résume pas dans la poésie, sauf dans certains cas dans des livres où des poèmes y correspondent par transposition à leurs apparences, aux impressions qu’ils procurent, à condition d’être lus, appréciés, donc accueillis et librement disponibles. Lorsque l’on regarde ici en librairies et là dans les médias, la poésie ressemble rarement à la poésie, elle ne regroupe pas les qualités que lui prêtent les gens dans la lune qui en font la promotion perpétuelle. Dans la lune, ça manque de poésie, alors on invente des histoires à dormir debout. Au sujet de la traduction, on veut vendre la langue française comme un écrin, un produit de luxe, mais l’excès de traductions en langue française amoncelle les travaux approximatifs dans le temps court, ce qui nuit à l’attractivité de la culture française à l’étranger. Moins d’amateurs et locuteurs de langue française s’y intéressent à l’international, car notre littérature ne nous ressemble pas assez. Or ce qui intéresse des étrangers à une culture étrangère par affinités, curiosité, goût, vitalité, c’est sa culture vivante, terrienne, vécue, on n’a alors pas de mal à rattraper l’histoire en cours, car cette vie n’est pas celle d’une série avec quelques personnages et scènes clés, mais c’est la culture de vie de millions d’individus. Le temps de réception, ici, pour une œuvre de poésie, est infiniment supérieur à une œuvre de littérature étrangère dont le succès a été programmé, au contraire de la poésie, ici, dont l’échec est programmé. La confusion n’est parlante qu’à la condition de rétablir la vision qui règne sur ces publications : il règne une défiance et une concurrence, sur le territoire français, non seulement littéraire, mais humaine, à tel point que le doute au sujet du droit d’y vivre et non d’y mourir, retentit sur la chaîne culturelle. On est râleur, jamais content, dit-on de nous. La raison en est-elle le dégoût pour l’autre, qui n’a pas tenu à suivre la norme ? On ne s’adresse plus à l’autre, car sa personne est sous la peau qui dessine sa silhouette, en fait un autre individu, libre lui aussi, pas qu’une apparence et une surface pour les yeux autour. Est-ce que je vous parle sous la peau, vais-je sous votre peau, vous chercher ? C’est peut-être le problème qui persiste entre chacun : ne plus daigner se parler parce que la vérité existe également à l’intérieur de soi, peut-être une seule couche sous la surface expressive d’un corps, d’un visage, d’une voix. L’entendre, lui parler, demande quelque effort de raison que l’on aurait tort de ne pas reconnaître en partageant symboliquement son pain et son vin de parole qui suffit.
subtile la déglingue ou la délivre
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