Au sujet de la poéticité
Au sujet de la « poéticité », concept et théorie de Jakobson (dont j’ai lu, hier, que les thèses ont influencé pendant longtemps l’éducation poétique et la pédagogie du langage, lecture, enseignement, « l’école russe » de théorie linguistique : ce que ça vient faire en français ? ai-je envie de dire)
Dans le texte ci-dessus, c’est l’inverse sur quelques points, qui est poétique. L’auteur parle de signifié et signifiant (concept de Saussure). Donc il admet, implicitement, qu’il fait partir son idée de la « poéticité » du mot, des mots et de cette « double face » linguistique du signe et du prédicat tel que je le définis. Alors ce n’est pas en « brouillant » la fonction du langage que le poète fait un poème, cela il peut le faire par touches, mais la « poéticité », si l’on tient à ce terme, c’est avec des mots, un ou quelques uns pour commencer, dire ou faire à ce mot : « c’est l’heure du bain » et pareil aux suivants. Ainsi, les discordances possibles sont des effets artistiques ponctuels. La vérité du poème est dans le renouvellement du signifié et la disposition (au sens de redistribution) du signifiant parmi ses semblables, de mot en mot. Elle n’est pas fondamentalement dans un « déséquilibre » soit du signifiant soit du signifié, comme le voudrait cet auteur. Cela explique, si telles étaient les thèses encouragées (ce texte date de 1981), les incomplétudes (la notion apparaît au début du texte) des poèmes modernes et contemporains, leurs effets surprenants qui présentent exactement un « déséquilibre » que la plupart des lecteurs ne peuvent même pas expliquer, tant leurs « brouillages » rompent ou parasitent la fonction lecture, le sens poétique, car ces poèmes ennuient et gênent où l’on attendrait de quoi calmer quelque autre ennui. Tandis qu’un poème lavé, comme lavé du soupçon que le verbe soit une chose coupable et déjà corrompue, parmi lequel des dizaines de mots, ou davantage, nagent et combinent leurs vertus pour faire baigner leurs signifiés et signifiants à une source neuve, un tel poème forme un appât pour des lecteurs, afin que le poème du poète et le sens poétique du lecteur (qui est sa lecture) puissent offrir, au nom de la poésie, ses beaux appas.
Du reste, je me moque que la poétique, ou la « poéticité », ne soit pas aussi belle que la poésie et le poème. Si la poétique doit employer des images banales ou semi-ridicules pour être comprise, c’est précisément ce que nous devons exiger d’elle, ou lui demander, plus poliment. Qu’elle n’ait pas les rigueurs de la logique, de la théorie, est exactement la vérité de la vie des langues et des langues poétiques. Être comprise, ne chercher que l’authenticité, avant tout, tel est le devoir poétique. Elle partage avec la poésie une bonne part, assez pour être belle ou le devenir, en quelque idée, par endroits, du fait de son action étendue.
10 novembre 2023
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